COMME DES SAUVAGES

Définition du Larousse

Sauvage : se dit d’un lieu qui est resté vierge, n’a pas été transformé par l’homme.

La claque 

Selon le rapport de synthèse 2022 de la Directive Cadre Européenne sur l’Eau (DCE), seules 43,1% des masses d’eau de surface du bassin hydrographique français est en bon état écologique (11407 masses d’eaux référencées toutes catégories confondues). 

Pour faire simple, moins d’un cours d’eau sur deux est en bonne santé. 

C’est peut-être la rivière que vous traversez tous les matins en voiture qui souffre en silence.

Et pour planter le décor : 67% de ces masses d’eau de surface (7 646 sur les 11 407) sont en risque élevé pour ne pas réussir à atteindre les objectifs environnementaux, dont le bon état écologique en 2027 (Eau France bulletin N°4 : synthèse 2019 des états des lieux des bassins - édition février 2022)

 

Les pieds dans l'eau, le coeur à l'ouvrage

Le 30 août se tenait l’Assemblée Générale du programme Rivières Sauvages. 

Plaidoyer, protéger, préserver les derniers joyaux écologiques de notre bassin hydrographique en France : c’est la mission du programme de labellisation Rivières Sauvages.

Un bilan positif et encourageant au regard de tous les acteurs mobilisés pour porter haut et fort la voix de certaines rivières qui coulent et traversent les montagnes, monts et plaines en France qui font partie environ des 5% des rivières considérées en « très bon état écologique ».

Depuis la création du Fonds de Conservation des Rivières Sauvages en 2011 ce sont 33 rivières françaises qui bénéficient du Statut Site Rivières Sauvages. Elles sont désormais labellisées, gage de qualité pour une meilleure protection, conservation et restauration pour le bien de la biodiversité.

Entre autres :  Le Léguer en Bretagne, La Valserine et Le Chéran dans les Alpes, Le Fangu en Corse, La Dronne dans le Périgord Vert, L'Artoise dans l'Aisne, La Grande Leyre en Gascogne, La Reverotte dans le Doubs...

Ce label unique caractérise une rivière comme étant écologiquement préservée pour laquelle sont étudiés 43 critères regroupés en thématiques bien spécifiques alliant approches scientifiques, physiques et géographiques définies dans leur cahier des charges telles que : 

  • La qualité de l’eau
  • La biodiversité
  • La fréquentation humaine et ambiances sonores et visuelles
  • L’occupation des sols et activités du bassin versant
  • Les espèces remarquables et gestion des milieux aquatiques et humides du tronçon (ou sous-bassin) candidat
  • La description de l'état écologique du tronçon candidat
  • L’hydromorphologie et les habitats
  • L’occupation des sols et les activités en fond de vallée
  • La morphométrie du cours d'eau 
  • Les acteurs et la gestion globale du bassin versant

Vidéo : Le Léguer en Bretagne

Le service rendu par la nature

Mais quel est l’intérêt pour une commune, un territoire ou encore un parc naturel de proposer une candidature pour l’obtention de ce label ?

Pourrait-on dire que c’est d’abord inconsciemment puis volontairement une démarche pour le bien-être de chacun ?

En effet, c’est l’ONU sous la présidence de Koffi Annan qui instaure la notion de « service rendu par la nature » en mettant sur pied l’EEM (Évaluation des Ecosystèmes pour le Millénaire) dont les finalités reposent sur une évaluation scientifique des conséquences (plus ou moins bienfaitrices) qu'un écosystème qui, lorsqu’il est modifié, peut avoir sur l’humain et sur son bien-être. 

Dans l’hypothèse ou cet écosystème est dégradé ou en grande fragilité, des actions doivent être entreprises pour le restaurer et le conserver pour le maintenir vertueux et durable.

 

Alors qu’en est-il de l’intérêt commun rendu par une rivière labellisée Rivières Sauvages ?

On parlera plus de bénéfices, qui conjugués, convergeront vers un intérêt commun. A partir du moment où on s’inscrit dans cette notion de « service rendu par la nature »,  gratifié par un label pour un écosystème, on peut en déduire une notion de valeur bénéfique pour tous.

C’est donc un intérêt double qui est offert avec cette démarche de labellisation. 

D’un côté, la rivière labellisée apporte une reconnaissance patrimoniale, touristique et économique pour la commune ou le territoire qu’elle traverse. Par conséquent, de par son attractivité, elle offre une multitude de bénéfices aux usagers (habitants, communes et visiteurs) tels que : 

  • un attrait culturel, 
  • un attrait historique, 
  • un attrait contemplatif et récréatif, 
  • un attrait sportif

Certes, comme tout label, on peut y voir un intérêt économique. Mais candidater pour labelliser une rivière pour la simple raison de retombées financières ne nous convainc pas. Il faut de la part des forces vives qui s’engagent dans cette démarche, une vision bien plus grande et bienveillante que celle de l’intérêt pécuniaire.  

Et nous voilà maintenant avec l’autre volet des bénéfices du paquet « service rendu par la nature ». Des bénéfices pour la biodiversité et les humains à savoir qu’une rivière en très bonne santé écologique permet : 

  • une amélioration de la qualité des zones humides qui produisent une eau de qualité et en quantité pour les habitants du territoire.
  • une préservation des milieux aquatiques, de leur biodiversité et de leurs habitats (ripisylve, blocs rocheux, gravières berges, et autres obstacles naturels).
  • un développement de la végétation terrestre permettant un rafraîchissement du milieu en cas de dérèglement climatique ponctuel ou durable.
  • un risque diminué lors des épisodes de crues grâce aux formes variées des rivières abritant la faune aquatique et terrestre dépendante. 

 

Envers et contre tous ?

Dans un pays où l’entretien des cours d’eau est confié en majorité aux services de l’Etat, soutenus par les actions des Fédération Départementales des AAPPMA et autres associations de protection, la démarche de labellisation peut interroger sur l'image du "cavalier seul" que pourrait donner l'association.

En effet une sanctuarisation est souvent synonyme de protection et une certaine idée de privatisation pourrait alors germer, comme ce que l’on peut trouver dans beaucoup d’autres pays du continent où des droits de pêche importants sont demandés pour avoir accès à la rivière et pêcher. Les pêcheurs pourraient alors voir ces rivières soit taxées soit interdites à la pratique de leur activité de loisir. 

Il n’en n’est rien puisque ce mouvement est aussi porté en interne par des pêcheurs passionnés ou autres pratiquants de sports en eaux vives défendant ardemment leur passion et leur rôle de sentinelle irremplaçable. De plus, le développement de la pêche de loisir est une attente forte des candidats à la labellisation et on retrouve également chez les sponsors et mécènes de Rivières Sauvages, de nombreux acteurs de la pêche. 

Et pour être engagés dans cette entreprise de sauvegarde et de protection, il faut être amoureux des poissons et de leur biodiversité. Il nous a été confiés lors de cette AG : « nous avons besoin des pêcheurs pour garder un œil sur les rivières ».

L'action : moteur d'exemplarité

Nous avons donc choisi de soutenir Rivières Sauvages, car cette approche de la qualité de l’eau, de la protection des zones humides et de sa biodiversité rejoint nos valeurs de pêcheurs responsables et militants.

Néanmoins on pourrait se poser la question devant le peu de rivières concernées : « tout ça pour ça ? ». Car en effet, aujourd’hui devant la grande fragilité des cours d’eau en France, tous les acteurs qui agissent positivement pour la protection des cours d’eau et leurs milieux aquatiques, toute cette énergie collective qui leur est dédiée, est à la peine. 

Les attaques extérieures comme la modification du territoire à des fins de développement humain (sous couvert de ce cher indicateur PIB), l’incivisme industriel ou agricole, la rupture de continuité écologique, la pression des lobbies ou la lourdeur administrative et judiciaire, sont autant de Goliaths pour un petit David 

De plus, on pourra toujours entendre des voix contraires qui s'opposent à un programme de labellisation d’une rivière alors que cette mission de protection devrait revenir à la gestion publique de la ressource eau. Des détracteurs passifs, il y en a à la pelle. Mais où est l’intérêt de se battre contre alors que l’on pourrait se battre avec ?... avec : ce petit mot qui renverse le sens de l’action.

Rivières Sauvages a su s'entourer et constituer de commissions où justement tous les acteurs de l'eau prennent part à cet effort constructif. Pour preuve l'Agence de l'Eau Rhône Méditerranée et Corse est un partenaire de la première heure.

La culture de la préservation et de la conservation de la nature, n’est pas innée dans l’esprit collectif en France au contraire d’autres pays plus militants. Alors oui, Rivières Sauvages est face à des Goliaths, qui pourraient leur faire baisser les bras et nous laisser comme seule arme notre amertume et notre frustration.

Un torrent d'espoir 

Alors la démarche de Rivières Sauvages est-elle une goutte d’eau dans un océan de désintérêt ou d’ignorance du grand public qui a perdu ses liens avec la nature ? La démarche de Rivières Sauvages est-elle celle qui montre la voie du rêveur qui rend possible l’utopie ? La démarche de Rivières Sauvages n’est-elle finalement pas là, à sa place, libre de ses intentions, là où d'autres ne le sont pas car trop cadenassés dans des organisations où la pensée et les valeurs, même si elles sont bien présentes, ont les mains menottées et la parole étouffée ? 

La réponse est surement chez les usagers, chez les hommes, les femmes, les enfants qui vivent leur rivière comme une partie de leur famille ; chez les animaux terrestres et aquatiques qui retrouvent ou continuent de vivre leur vie paisible sans stress ; dans les communes qui profitent de ces joyaux sources de contemplation, de récréation et d’accueil.

 

Une autre réponse, et surement aussi pure que l’eau, celle des enfants qui sont pleinement participatifs dans ce programme avec la volonté de leur donner un espace d’expression et de leur transmettre cette notion de vivre ensemble avec les cours d’eau.

Média-teurs

Nous sommes adhérents et partenaires à Rivières Sauvages. C’est un petit geste, mais plus qu’une adhésion, c’est le fait de pouvoir savoir qu’il existe aussi ailleurs, une autre dynamique, un mouvement acteur pour la sauvegarde de la biodiversité aquatique, qui nous réunis.

 

Article écrit par : Philippe Deschodt

Crédit Photos : Shutterstock

 

Pour soutenir ou candidater :

 https://www.rivieres-sauvages.fr/

 

 

Evènement : Rivières Sauvages participera aux Rencontres pour la Planète organisées par 1% For The Planet à Pissos dans les Landes le 11 et 12 octobre. Lors de cet évènement RS défendra son projet « Stop à la petite hydroélectricité déplacée » qui menace grandement un grand nombre de rivières et torrents des Alpes.

 

 


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